dimanche 12 décembre 2021

Les travaux avancent (4)

 Le rythme des travaux sur l'orgue a été un peu ralenti par l'été, mais le projet a néanmoins avancé depuis.

La boîte expressive du Choir a été terminée et mise en place. De même, celle du Swell a été montée en atelier, réparée, et repeinte. Elle n'attend plus que d'être remontée en place.

Boîte du Swell avant peinture.

Les sommiers du Great et du Swell ont été déplacés pour pouvoir mettre en place les tubulures en plastique qui remplacent les anciens tuyaux de plomb. Ces tubulures transmettent le "signal" des notes entre les relais électropneumatiques et les sommiers, depuis que l'orgue a été converti de pneumatique tubulaire à électropneumatique en 1951. 

C'est un travail méticuleux, car il ne faut pas intervertir les commandes de notes, et il faut bien s'assurer que chaque tube est correctement collé pour éviter les fuites, qui ralentiraient le temps de réaction du système.

Sommier du Great posé verticalement pour faciliter le travail.

Tubulures installées côté sommier.

Tubulures raccordées côté relais électropneumatique.


En parallèle, les tubulures reliant les tuyaux d'Open Diapason 16 de pédale et les 23 tuyaux de basse du Double Open Diapason 16 du Great sont aussi réalisées.

Relais électropneumatique prêt à être installé dans l'orgue et relié
aux sommiers des jeux de 16' ouverts.

L'étape suivante est le tubage du sommier du Swell. Une fois ces relais terminés, les sommiers seront réinstallés, et les systèmes anti-secousses mis en place. Des rondelles de feutre spécial pourront alors être collées sur les sommiers, une autour de chaque trou de tuyau. Ceci pour assurer une meilleure étanchéité au fil des saisons et des changements d'hygrométrie.



dimanche 5 décembre 2021

Les archives parlent 5 : le devis de Cavaillé-Coll

 Dans les registres de correspondance d'Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899, le plus prestigieux facteur d'orgues de France, et parmi les plus prestigieux au monde), on trouve une esquisse de lettre datée du 8 janvier 1855 et adressée à un certain Ch. Lemaire de St Affrique. S'agissait-il du maire (erreur de recopiage), d'un Charles Lemaire, ou d'un chanoine Lemaire, nous ne le savons pas pour le moment.

Celle-ci devait accompagner un devis pour des travaux sur l'orgue, mais il n'a pas été donné suite, probablement faute de moyens financiers.

Entrée du répertoire des correspondance d'Aristide Cavaillé-Coll
en date du 8 janvier 1855
 

On constate qu'il est question d'effectuer un relevage de l'orgue construit par Moitessier en 1843, et d'en changer les pompes. Étaient-elles déjà défaillantes (rats, humidité ?) ou mal dimensionnées et trop petites ?

Il est aussi question d'y ajouter une pédale de quatre jeux, et une trompette en chamade de deux octaves et demie (30 notes).

Ces deux derniers points soulèvent quelques questions :

- l'orgue n'avait-il pas de jeux de pédale indépendants à l'origine ?
- était-il insuffisant pour remplir l'église, pourtant modeste en taille ?

En effet, l'ajout d'une chamade, procédé courant en Espagne, mais rare en France à cette période, suggère la recherche de plus de puissance dans la nef. Et l'ajout de jeux de pédale suit aussi cette tendance. Peut-être l'orgue a-t-il été livré sans jeux de pédale, en remettant à plus tard leur installation ?

Il n'y a pour le moment aucun moyen de le savoir. La grande majorité des tuyaux de bois de l'orgue ont été reconstruits soit par Maucourt soit par Jacquot-Jeanpierre, il n'y a donc plus trace de jeux de pédale qui remontent à Moitessier.

dimanche 18 avril 2021

Les travaux avancent (3)

 Les travaux avancent, et une étape majeure vient d'être franchie : les sommiers principaux de l'orgue ont été restaurés et réinstallés hier !

Mais revenons un peu en arrière.
Après réception du sommier du Choir, les bénévoles ont commencé à réparer, repeindre et remonter la boîte expressive qui entoure les tuyaux de ce clavier, pour en varier l'intensité.

Boîte expressive du Choir remontée avant réparation et remise en peinture.

Après quelques semaines de travail délicat d'autant plus que les murs anciens ne sont pas droits, et qu'il faut prendre garde à ne pas endommager le sommier fraîchement restauré, le résultat est là : l'arrière est arrimé au mur, ajusté sur le sommier, et les côtés et le toit de la boîte sont remontés. La façade sera installée ultérieurement, pour des raisons pratiques.

Boîte expressive du Choir mise en place.

Pendant ce temps, Nicolas Lanaspèze terminait la restauration des deux gros sommiers, Great (huit jeux) et Swell (neuf jeux). Après cent hivers surchauffés, dans une atmosphère déjà décrite comme beaucoup trop sèche par le facteur d'orgues ayant fait les travaux d'agrandissement en 1951, ceux-ci présentaient un certain nombre de fissures à leur surface, et quelques barrages décollés. Malgré tout, vu les conditions hygrométriques, ils n'avaient pas si mal vieilli.
Les fentes ont été flipotées, les barrages recollés, les soupapes regarnies, les barrages recouverts de toile "buckram" typique de la facture britannique du XIX° siècle, et le tout remonté et testé.

Partie supérieure du sommier : la table.

Table supérieure du Swell avant restauration.

Exemple de fentes dans la table.

Table nettoyée et aplanie.

Fentes en cours de flipotage
(les tranchées sont comblées avec de petites pièces de bois)

 

Partie inférieure du sommier : les barrages et les soupapes.

Dessous du sommier au démontage.
On peut voir les soupapes en place,
et les barrages recouverts de buckram noir.

Les soupapes ont été démontées et le buckram décapé.
On appelle "grille" du sommier l'ensemble des barrages
et la ceinture de bois qui les entoure et les maintient en place.



Soupape démontée, détail de la "queue"
en peau collée au sommier
et qui fait office de charnière.

Grille du sommier aplanie.


Nouveau buckram en place, ainsi que la grande traverse
et les pointes qui guident les soupapes .



Soupapes remontées, avec les tiges de laiton qui les actionnent,
reliées à l'étage inférieur aux moteurs de soupapes.

En parallèle, le système de traction pneumatique a été restauré par Gabriel Nencioli, d'Auvillar. Les peaux extrêmement fines (0,1 ou 0,2 mm) utilisées pour les centaines de petits soufflets (ou "moteurs") pneumatiques étaient arrivées en fin de vie, devenues très fragiles, et se déchirant à la moindre sollicitation.

Système pneumatique avant démontage de l'orgue. Petits moteurs "primaires" au premier plan.

Tous les moteurs ont été démontés en ramollissant la colle à chaud à l'aide de vapeur d'eau. Une fois les mesures prises toutes les vieilles peaux ont été décapées, les résidus de colle nettoyés.

Décollage des moteurs de soupapes.

Démontage des moteurs primaires.
Nettoyage à la vapeur du joint-support des moteurs de soupapes.

Moteurs décollés, avant nettoyage.

Les vieilles peaux sont ôtées, puis les restes de colle nettoyés.

Nettoyage des moteurs primaires.
Réfection des garnitures d'oeillets.


Le joint des moteurs de soupapes est refait à neuf.


Réfection des charnières des moteurs primaires.

Réfection des moteurs de soupapes.

Collage des moteurs de soupapes restaurés.

Système remonté.

Système pneumatique prêt à être réinstallé sous le sommier.


Chacun des 244 moteurs a été remis en peau comme à l'origine.




On peut observer deux types de moteurs. Les petits moteurs, dits moteurs primaires, ont une charnière et un bras de levier à un bout. Lorsqu'une note est jouée, le système électropneumatique envoie de l'air sous pression dans le petit moteur correspondant à la note et au clavier joués. Celui-ci se gonfle, et pousse vers le bas la double soupape ronde qu'on l'on aperçoit sur certaines photos. La soupape se ferme donc du côté de la pression, et s'ouvre du côté de l'atmosphère. Elle met alors l'intérieur du grand moteur, ou moteur de soupape, en communication avec l'atmosphère, et la pression écrase ce grand moteur, qui tire la soupape au-dessus de lui.
Lorsqu'on relâche la note, la pression diminue dans le petit moteur, qui est équipé d'une fuite calibrée. Le petit moteur est écrasé, et le bras de levier remonte. Le grand moteur est alors remis en communication avec la pression, et remonte grâce au ressort de la soupape au-dessus. Et le système est prêt pour rejouer une note. Le schéma suivant illustre ce type de traction, avec cependant un étage supplémentaire en amont, qui a été remplacé sur l'orgue de St Affrique par une alimentation électropneumatique.


Schémas d'une traction "à dépression" de type Norman & Beard.
Sur l'orgue de St Affrique, le petit moteur en bas à gauche a été supprimé
et un relai électropneumatique alimente directement
le petit moteur au milieu à droite en air sous pression.

Ainsi restaurés, les sommiers et leur traction pneumatique sont parés pour leur nouvelle vie.

Vendredi dernier, les sommiers ont été rapportés par Nicolas, montés en tribune avec les bénévoles et installés sur la structure porteuse. Il attendent à présent leur raccordement aux soufflets, et l'installation de rondelles de tissu spécial autour de chaque trou de tuyau pour assurer une étanchéité optimale.

Ascension du sommier du Swell
Sommiers du Great (vers  la rambarde) et du Swell (premier plan) installés.

 
Mais c'est encore une autre histoire.




dimanche 28 mars 2021

La resconstruction de l'orgue par Maucourt


 Comme on l'a déjà vu, l'historique de l'orgue de Saint Affrique est assez mal documenté avant 1899.

On sait cependant que Thiébaut Maucourt l'a reconstruit en 1870.

En-tête de correspondance de Maucourt.

Hélas, comme pour l'orgue Moitessier, on ne sait guère plus de cet instrument. On ne possède aucun dessin ni aucune photo de son buffet. On peut supposer que l'orgue avait une apparence plus classique que néo-gothique car au moment de la reconstruction en 1899, monsieur Barthe l'organiste écrit au facteur d'orgues que "Quand on dépense cinq cent mille francs pour une église, il ne faut pas gâter un tel monument en y mettant une vieillerie qui n’est pas du style de l’église...". On peut se donner une idée des buffets de style classique construits par Maucourt dans ces années-là en observant celui de Brens (Tarn). On possède néanmoins sa composition, grâce aux relevés de Théodore Jacquot fils en 1898 (voir plus bas).

Orgue Maucourt de Brens (Tarn)


Console de Brens, avant relevage

Le Journal du Tarn du 29 mai 1872 nous permet cependant d'en apprendre un peu plus sur l'instrument : "Demain jeudi 30 mai 1872 a lieu l'inauguration de l'orgue de l'église paroissiale de Saint-Affrique, restauré à neuf par Thiébaut Maucourt 'Albi, élève de la maison Cavaillé-Coll de Paris. L'orgue sera tenu par M. Leybach, organiste de la cathédrale de Toulouse." (Médiathèque municipale d'Albi)

Le même journal, en date du samedi 8 juin, relatait "la fête musicale et religieuse" que fut cette occasion, et précisait : "En confiant au jeune artiste [Maucourt a 37 ans] la restauration de ses orgues, la fabrique lui avait fait connaître qu'elle désirait une restauration sérieuse, avec addition de nouveaux jeux, modification du mécanisme [...] Il était impossible de ne pas accorder une mention spéciale à la Gambe, à la Voix céleste, à l'Octavin et au Cor anglais." Le rédacteur avait puisé ses renseignements "aux meilleures sources", c'est à dire M. Leybach.

Cet instrument a survécu tel quel jusqu'en 1895, date à laquelle le fond de l'ancienne église a été  démoli pour faire place à la nouvelle. L'orgue fut alors démonté par les Puget de Toulouse et stocké dans une chapelle. Il semble que le stockage ou le transport des pièces à la nouvelle église en 1899 n'ait pas été très soigneux. En effet, Auguste Jessel, l'employé de Théodore Jacquot venu déplacer l'orgue de choeur dans la nouvelle église jette un œil à la tuyauterie du grand orgue, maintenant entreposée à la nouvelle tribune, et rapporte dans un courrier à son patron que "tous les tuyaux de bois sont décollés, gondolés, et que les tuyaux d’étain sont pêle-mêle, les pavillons des anches tous aplatis, comme bien d’autres tuyaux et qu’il y aura pour un mois et demi de travail en atelier pour tout redresser". Un bien triste traitement pour ce qui devait être un très bel instrument.

Thiébaut Maucourt (1835-1882)


Grâce au relevé effectué par Théodore Jacquot fils en 1898, on en connaît cependant la composition :  :


Grand OrgueRécitPédale
Salicional 16 (Ut3)Flûte 8Bourdon 16
Montre 8Gambe 8Flûte 8
Salicional 8Voix Céleste 8 (Ut2)Bombarde 8/16
Bourdon 8Bourdon 8Trompette 8
Prestant 4Octavin 2
Nasard 2 2/3Euphone 8
Doublette 2Cor Anglais 8
Plein JeuTrompette 8 (Ut2)
Cornet V (Ut3)Hautbois 8 (Ut2)
Trompette 8Voix Humaine (Ut2)
Clairon 4


Thiébaut MAUCOURT est né à Thann le 1er février 1835 à l’ombre de la collégiale Saint-Thiébaut. Son père était mécinicien (peut-être dans la facture d'orgues ?).Très jeune, vers 1844-1845, il commence son apprentissage dans la célèbre maison Cavaillé-Coll de Paris, où il est resté apprenti puis compagnon durant dix-huit ans. Les informations le concernant ne sont que très fragmentaires. Il semble rester chez Cavaillé-Coll pendant 18 ans. En 1862 on retrouve sa trace à Saint Affrique où il se marie avec Alice Fages, fille d’un riche marchand de grains qui lui donnera un fils et quatre filles. Un autre facteur d’orgues originaire de l'est de la France et implanté à Toulouse depuis 1845, Frédéric Junck (ou Jungk), lui sert de témoin. Cette même année, un premier orgue sort des ateliers Maucourt, construit en collaboration avec Frédéric Jungk et installé à Nant (Aveyron, orgue hélas mutilé dans les années 80 sous couvert de restauration et d'améliorations). Maucourt s’établit à Albi, d'abord boulevard Montebello, puis boulevard Magenta.




Il a effectué différents travaux, entre autres sur les orgues de Nant (Aveyron, 1862), Brens (Tarn, 1864), Castelnaudary (St. Michel, 1864), Gaillac (St. Pierre, 1865), Lezat (Ariège, 1867), Sorèze (Tarn, 1868), St Félix (Haute-Garonne), à la cathédrale d’Albi (restaurations du grand orgue et orgue de chœur neuf), à Millau (Notre-Dame, 1874 et temple protestant, 1881), Lisle sur Tarn (Notre Dame de la Jonquière, 1880), à Carmaux, Alger (St. Augustin). Tous les travaux de Maucourt se caractérisent par leur très bonne qualité. Ses instruments sont toujours entièrement mécaniques avec une harmonisation fine et délicate. Il est décédé à Albi le 27 janvier 1882 âgé de 47 ans.


Note : cette brève biographie de Maucourt est basée sur le travail de Robert Ardourel, publié dans un article paru dans la revue L'Orgue dans les années 80 et dans son livre "L'Orgue de Notre Dame de Millau" publié en 1975. Qu'il en soit ici remercié ! Monsieur Ardourel a pu consulter des archives de T. Maucourt grâce à Mme Marcelle Trutteau de Paris, petite-fille de Thiébaut Maucourt. Il ne nous a a pas été possible de localiser la famille de cette dame pour consulter ces archives à nouveau. Toute information à ce sujet serait bienvenue !

 


Le premier orgue de Saint Affrique

 Le premier orgue de l'église de Saint Affrique reste pour le moment assez mal connu. D'autant plus que les archives de la paroisse sont très rares avant 1869.

Dans un devis établi en 1845 pour l'église St Antoine, rue Pharaon à Toulouse, Moitessier mentionne plusieurs orgues de sa construction. Dans la liste, on lit : "1843, orgue grand 8 pieds à trois claviers pour l'église de St Affrique (Aveyron)". Il s'agissait donc d'un orgue similaire (sans doute un peu plus modeste)  à celui de la Décanale St Louis de Sète, construit l'année suivante.

Extrait du Devis de Moitessier pour St Antoine de Toulouse en 1845.
 

Monsieur Robert Ardourel, organiste au Sacré Coeur de Millau, a établi la fiche de l'inventaire pour cet orgue dans les années 1980. Étant familier l'orgue de Moitessier de Sète, confirme que la tuyauterie ancienne est similaire.

Signature de Prosper Moitessier en 1827

 

Les Archives Départementales de l'Aveyron nous ont transmis quelques pièces qui permettent de visualiser la disposition de la tribune ouest de l'ancienne église.

En-tête de correspondance de Moitessier dans les années 1840
 

En effet, on y trouve un devis de construction d'une tribune supplémentaire au fond de l'église datant de juillet 1842, avec un plan (voir image). Il semble que la seconde tribune projetée ne fut jamais construite, puisque l'orgue sera installé sur celle du bas l'année suivante. Il se peut que l'instrument n'ait pas été placé en tribune, pour ne pas masquer la belle rosace, mais cela serait surprenant

 

Projet de tribune suppléentaire joint au devis de 1842.

Au passage, on apprend dans les quelques documents trouvés aux Archives Départementales de l'Aveyron que l'église a souffert d'un incendie en 1826, et que la paroisse était très pauvre, formulant de nombreuses demandes de secours auprès du ministère qui n'ont abouti qu'en 1867, et de façon très limitée.

De plus on lit dans le devis de 1842 que l'église était bien trop exigüe pour la population catholique de la ville à cette époque, et que depuis longtemps déjà la mairie et la fabrique cherchaient un moyen de la reconstruire à des dimensions plus adaptées, mais en vain. Il aura donc fallu attendre plus de cinquante ans pour voir ce projet se réaliser. 

Note : il ne nous a pas été possible jusqu'alors de trouver des archives de Prosper Moitessier. Il semble que cet excellent facteur ait laissé très peu de traces écrites, à part ses brevets d'invention. Nous serions reconnaissant de tout indice qui nous permettrait de consulter de telles archives !

      Prosper-Antoine MOITESSIER est né à Carcassonne (Aude), en 1807.
Ayant perdu son père à l’âge de dix ans, sa mère, pour le mettre à même d’apprendre et de continuer l’état de luthier, l’entoura de bons ouvriers. En 1819 et 1820, il reçut les premières notions de facture d’orgues d’un nommé
Pilot, natif des Vosges. Désirant se perfectionner dans cette partie, il se rendit à Mirecourt et travailla d’abord chez Nicolas Roy, l’un des plus habiles ouvriers du pays, et il alla ensuite à Paris, où il fut reçu dans les ateliers de M. Lété, actuellement à Mirecourt. Il prit aussi des leçons de M. Wuillaume, qui s’est acquis une grande réputation comme luthier, et qui était alors associé de M. Lété.
En 1826, il quitta Paris, où la facture d’orgues ne semblait présager aucun avenir. De retour dans son pays, il ne trouva point d’ouvrage, si ce n’est quelques menues réparations à faire à de petits orgues. Cependant son goût pour la mécanique lui faisait préférer cet instrument à tout autre ; mais ne trouvant point assez de ressources à Carcassonne, il vint en 1830 s’établir à Montpellier, nourrissant toujours l’espoir de rentrer dans les ateliers de M. Lété qui avait alors de grands projets que firent évanouir les évènements de juillet de cette même année et la mort d’une personne influente. 
Six années se passèrent sans que Moitessier pût parvenir à se faire connaître, ne voulant pas causer le moindre tort à de vieux facteurs à qui l’on confiait le peu de réparations qu’il y avait à faire aux orgues de la contrée. Enfin, en 1836, on lui proposa de relever l’orgue du temple protestant, construit par le grand-père de M. Aristide Cavaillé-Coll. Cette restauration lui valut celle de l’orgue de Saint Fulcran à Lodève (Hérault), fait par Lépine, vers 1750, et en 1837 il eut l’occasion de faire un petit huit pieds pour une chapelle [Visitandines de Montpellier actuellement à Nissan lez Ensérune]. A cette époque, l’impulsion donnée par M. Félix Danjou à la facture d’orgues commençait à se faire sentir jusqu’aux extrémités de la France. Chaque facteur cherchait à se distinguer par quelque amélioration dans son art. M. Moitessier ayant remarqué l’hésitation où l’on était sur le ton auquel il convenait le mieux de mettre les orgues, concilia les diverses opinions en adaptant aux claviers un mécanisme transpositeur analogue à celui que M. Roller avait appliqué aux pianos. 
En 1839, il présenta à l’exposition à Montpellier un orgue de salon, dont les soupapes pouvaient s’enlever à volonté et dont la soufflerie produisait un vent toujours égal au moyen d’un levier compensateur que faisait agir la table supérieure du réservoir. Ce travail fut récompensé d’une médaille d’or, et fit prendre rang à son auteur parmi les facteurs d’orgues. Depuis cette époque, il ouvrit de grands ateliers, qui n’ont point cessé d’occuper vingt ouvriers et souvent plus.
  1. (Extrait de la Biographie des Principaux Facteurs d’Orgues de Hamel, 1848) 

    Les rares instruments de Prosper Moitessier qui nous restent montrent une facture d’un grand raffinement, et cependant avide d’innovation. A l'exposition de l'industrie de Toulouse en 1850, il présente ce qui sera le premier orgue à transmission pneumatique tubulaire. Ce système à dépression est breveté en 1850, et immédiatement appliqué l’orgue de ND la Dalbade à Toulouse. Reconstruit par les Puget en 1888, ceux-ci notaient que le système inventé par Moitessier était très bon sur le principe, et que les problèmes venaient uniquement de l'oxydation des pièces d'étain utilisées. 

    Plus de détails et de photos ici. 

samedi 6 février 2021

Les travaux avancent (2)

 Les travaux continuent d'avancer de façon régulière et appréciable.

Nicolas Lanaspèze a commencé à restaurer le premier des trois sommiers, celui du Choir. Le vieux buckram (toile enduite pour assurer l'étanchéité, remplaçant le parchemin traditionnellement utilisé en France comme "peau de barrage") a été ôté, les soupapes ont été démontées pour être repeaussées, les fentes apparues entre les cavaliers et les barrages comblées, et le tout a été remonté et vérifié.
Le sommier prendra sa nouvelle place la semaine prochaine.

Sommier du Choir (second clavier) avant démontage.
On voit les soupapes maintenues en place par leur ressort,
et le buckram (noir) assurant l'étanchéité.

Le sommier débarrassé du buckram laisse
apparaître les fentes entre les barrages.

 
Les soupapes prêtes à retrouver une couche de peau.

De leur côté, les bénévoles n'ont pas chômé !

Au clavier de Great, le Double Open Diapason 16 a des tuyaux bien trop gros pour tenir directement sur le sommier. Les 23 plus gros sont donc sur un sommier complémentaire, qui était à l'arrière de l'orgue dans son précédent emplacement, les 23 tuyaux alignés.

Double Open Diapason 16 dans son précédent emplacement,
sur une seule rangée.

Cet arrangement était trop long tel quel pour être réinstallé à St Affrique. Il a donc fallu modifier le sommier et réordonner les tuyaux sur deux rangées. Le support a également été abaissé afin que les tuyaux ne dépassent pas le niveau du futur toit de l'orgue. Les trois plus longs étaient déjà coudés à Gloucester pour tenir dans la niche de l'orgue.

C'est à présent chose faite, le sommier complémentaire et ses supports ont été modifiés pour s'adapter à la place disponible et optimiser l'implantation de la tuyauterie. Les tuyaux ont été nettoyés précautionneusement et mis en place. Il s'agit du second jeu de seize pieds ouvert de l'orgue, qui donne la "gravité", les basses pour donner du corps l'ensemble sonore de l'orgue.

Double open Diapason 16 installé
sur deux rangées.

 

En parallèle, la soufflerie électrique d'origine, qui avait été envoyée à Rodez pour être rebobinée et équilibrée, a été installée à l'emplacement de la soufflerie de l'ancien orgue, montée sur silent blocs et équipée d'une sortie en caoutchouc pour éviter la propagation des vibrations mécaniques dans les conduits.

Soufflerie mise en place et attendant son raccordement
au réservoir-régulateur primaire.
 

Les prochaines étapes sont la mise en place du réservoir-régulateur primaire, qui reçoit l'air de la soufflerie et en régule la pression avant de le distribuer via le porte-vent principal, et la mise en place du sommier du Choir restauré.

Dans le même temps, la boîte expressive du Choir a commencé à être remontée, afin de modifier certaines parties, qu'il s'agisse d'améliorer les matériaux -cette partie datant des années 50, certaines plaques sont en mauvais isorel- ou d'adapter la structure à son nouvel emplacement.

Boîte expressive remontée (couchée) avant début du travail dessus.