dimanche 28 mars 2021

Le premier orgue de Saint Affrique

 Le premier orgue de l'église de Saint Affrique reste pour le moment assez mal connu. D'autant plus que les archives de la paroisse sont très rares avant 1869.

Dans un devis établi en 1845 pour l'église St Antoine, rue Pharaon à Toulouse, Moitessier mentionne plusieurs orgues de sa construction. Dans la liste, on lit : "1843, orgue grand 8 pieds à trois claviers pour l'église de St Affrique (Aveyron)". Il s'agissait donc d'un orgue similaire (sans doute un peu plus modeste)  à celui de la Décanale St Louis de Sète, construit l'année suivante.

Extrait du Devis de Moitessier pour St Antoine de Toulouse en 1845.
 

Monsieur Robert Ardourel, organiste au Sacré Coeur de Millau, a établi la fiche de l'inventaire pour cet orgue dans les années 1980. Étant familier l'orgue de Moitessier de Sète, confirme que la tuyauterie ancienne est similaire.

Signature de Prosper Moitessier en 1827

 

Les Archives Départementales de l'Aveyron nous ont transmis quelques pièces qui permettent de visualiser la disposition de la tribune ouest de l'ancienne église.

En-tête de correspondance de Moitessier dans les années 1840
 

En effet, on y trouve un devis de construction d'une tribune supplémentaire au fond de l'église datant de juillet 1842, avec un plan (voir image). Il semble que la seconde tribune projetée ne fut jamais construite, puisque l'orgue sera installé sur celle du bas l'année suivante. Il se peut que l'instrument n'ait pas été placé en tribune, pour ne pas masquer la belle rosace, mais cela serait surprenant

 

Projet de tribune suppléentaire joint au devis de 1842.

Au passage, on apprend dans les quelques documents trouvés aux Archives Départementales de l'Aveyron que l'église a souffert d'un incendie en 1826, et que la paroisse était très pauvre, formulant de nombreuses demandes de secours auprès du ministère qui n'ont abouti qu'en 1867, et de façon très limitée.

De plus on lit dans le devis de 1842 que l'église était bien trop exigüe pour la population catholique de la ville à cette époque, et que depuis longtemps déjà la mairie et la fabrique cherchaient un moyen de la reconstruire à des dimensions plus adaptées, mais en vain. Il aura donc fallu attendre plus de cinquante ans pour voir ce projet se réaliser. 

Note : il ne nous a pas été possible jusqu'alors de trouver des archives de Prosper Moitessier. Il semble que cet excellent facteur ait laissé très peu de traces écrites, à part ses brevets d'invention. Nous serions reconnaissant de tout indice qui nous permettrait de consulter de telles archives !

      Prosper-Antoine MOITESSIER est né à Carcassonne (Aude), en 1807.
Ayant perdu son père à l’âge de dix ans, sa mère, pour le mettre à même d’apprendre et de continuer l’état de luthier, l’entoura de bons ouvriers. En 1819 et 1820, il reçut les premières notions de facture d’orgues d’un nommé
Pilot, natif des Vosges. Désirant se perfectionner dans cette partie, il se rendit à Mirecourt et travailla d’abord chez Nicolas Roy, l’un des plus habiles ouvriers du pays, et il alla ensuite à Paris, où il fut reçu dans les ateliers de M. Lété, actuellement à Mirecourt. Il prit aussi des leçons de M. Wuillaume, qui s’est acquis une grande réputation comme luthier, et qui était alors associé de M. Lété.
En 1826, il quitta Paris, où la facture d’orgues ne semblait présager aucun avenir. De retour dans son pays, il ne trouva point d’ouvrage, si ce n’est quelques menues réparations à faire à de petits orgues. Cependant son goût pour la mécanique lui faisait préférer cet instrument à tout autre ; mais ne trouvant point assez de ressources à Carcassonne, il vint en 1830 s’établir à Montpellier, nourrissant toujours l’espoir de rentrer dans les ateliers de M. Lété qui avait alors de grands projets que firent évanouir les évènements de juillet de cette même année et la mort d’une personne influente. 
Six années se passèrent sans que Moitessier pût parvenir à se faire connaître, ne voulant pas causer le moindre tort à de vieux facteurs à qui l’on confiait le peu de réparations qu’il y avait à faire aux orgues de la contrée. Enfin, en 1836, on lui proposa de relever l’orgue du temple protestant, construit par le grand-père de M. Aristide Cavaillé-Coll. Cette restauration lui valut celle de l’orgue de Saint Fulcran à Lodève (Hérault), fait par Lépine, vers 1750, et en 1837 il eut l’occasion de faire un petit huit pieds pour une chapelle [Visitandines de Montpellier actuellement à Nissan lez Ensérune]. A cette époque, l’impulsion donnée par M. Félix Danjou à la facture d’orgues commençait à se faire sentir jusqu’aux extrémités de la France. Chaque facteur cherchait à se distinguer par quelque amélioration dans son art. M. Moitessier ayant remarqué l’hésitation où l’on était sur le ton auquel il convenait le mieux de mettre les orgues, concilia les diverses opinions en adaptant aux claviers un mécanisme transpositeur analogue à celui que M. Roller avait appliqué aux pianos. 
En 1839, il présenta à l’exposition à Montpellier un orgue de salon, dont les soupapes pouvaient s’enlever à volonté et dont la soufflerie produisait un vent toujours égal au moyen d’un levier compensateur que faisait agir la table supérieure du réservoir. Ce travail fut récompensé d’une médaille d’or, et fit prendre rang à son auteur parmi les facteurs d’orgues. Depuis cette époque, il ouvrit de grands ateliers, qui n’ont point cessé d’occuper vingt ouvriers et souvent plus.
  1. (Extrait de la Biographie des Principaux Facteurs d’Orgues de Hamel, 1848) 

    Les rares instruments de Prosper Moitessier qui nous restent montrent une facture d’un grand raffinement, et cependant avide d’innovation. A l'exposition de l'industrie de Toulouse en 1850, il présente ce qui sera le premier orgue à transmission pneumatique tubulaire. Ce système à dépression est breveté en 1850, et immédiatement appliqué l’orgue de ND la Dalbade à Toulouse. Reconstruit par les Puget en 1888, ceux-ci notaient que le système inventé par Moitessier était très bon sur le principe, et que les problèmes venaient uniquement de l'oxydation des pièces d'étain utilisées. 

    Plus de détails et de photos ici. 

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